Regazzoni, comme dans un rêve


FOOTBALL. Révélation de l'été, le Tessinois du FC Sion s'apprête à fêter sa première sélection en équipe de Suisse. Il l'attend avec une certaine anxiété et beaucoup de gourmandise.


Simon Meier
Mardi 29 août 2006

«Je vais caresser du doigt un rêve de gamin. Je ne pensais pas que cela arriverait aussi tôt. Je ne me rends pas bien compte...» Alberto Regazzoni évoque sa première sélection en équipe de Suisse d'un air incrédule. Ce mardi midi, au moment de pousser la porte de l'Hôtel Panorama de Feusisberg, le Tessinois aura peut-être envie de se pincer. Toujours est-il qu'il se sera mué en alter ego des Johann Vogel, Ludovic Magnin, Alexander Frei et consorts. «Quand je vois où ces gars jouent, moi, avec mes cinq ou six matches de Super League dans les jambes, je suis fier et heureux d'intégrer ce groupe», murmure le virevoltant ailier gauche du FC Sion, beaucoup plus réservé autour d'une table que le long d'une ligne de touche.

Alberto Regazzoni, 23 ans, débarque dans le giron de la Nati sur la pointe des pieds. Un terme revient inlassablement sur ses lèvres: «Humilité». Autres mots d'ordre, livrés pêle-mêle: «rester tranquille», «ne pas se gonfler la tête», «travailler», «progresser» et... «se montrer». S'il ne roule pas les mécaniques, le néophyte répond avec appétit à la convocation de Köbi Kuhn, sélectionneur en quête de sang frais. «Je ne suis personne, je n'ai pas de nom. Mais avec un ballon, nous sommes tous les mêmes», sourit la révélation helvétique de ce début de saison. «Une telle chance ne se présente peut-être qu'une ou deux fois dans une vie.»

Il faut la saisir. Sur le grand chantier de l'équipe de Suisse en vue de l'Euro 2008, il y aura fatalement des places à prendre. Des brèches à exploiter. Alberto Regazzoni promet qu'il ne regarde pas plus loin que les deux matches amicaux face au Venezuela (samedi prochain à Bâle) et au Costa Rica (mercredi suivant à Genève). Mais avec son fringant mètre soixante-neuf, son sens de l'accélération et son art de la percussion, il possède exactement le type de profil qui pourrait, à terme, bonifier l'ensemble helvétique. Sa prestation, il y a huit jours face à Bâle - deux buts, deux passes décisives et un incessant remue-ménage -, a convaincu Köbi Kuhn, qui le dirigea un temps avec la sélection des M17.

«Alberto a les qualités techniques pour devenir un attaquant de tout premier plan», témoigne son entraîneur Nestor Clausen. L'Argentin, mentor exigeant et soucieux de voir son poulain s'emballer sous l'aiguillon funeste d'une gloire naissante, serre la bride dans la foulée: «Je lui donne la liberté qu'il aime avoir sur son flanc gauche, mais il a parfois du mal à respecter les consignes défensives. Il lui faut progresser physiquement et, comme il prend beaucoup de risques dans son jeu, accepter qu'il ne peut pas tout réussir. Quand je le vois s'énerver en italien contre lui-même ou ses coéquipiers, c'est qu'il est sorti de son match.»

Derrière l'âpreté de la critique, on décèle beaucoup de tendresse. «Si je me bagarre avec lui pour qu'il ne dévie pas du chemin, si je l'ai récemment renvoyé d'un entraînement, c'est parce que j'aime le joueur et la personne», précise Nestor Clausen, œil noir et sourire en coin.

Alberto Regazzoni, qui admet avoir le sang chaud et détester s'asseoir sur le banc des remplaçants, est tout sauf un enfant gâté. Fulgurante, son éclosion intervient après une longue et pénible maturation. Après avoir vécu de l'intérieur la faillite du FC Lugano en 2002, son club formateur, le vif-argent a bataillé quatre saisons avec Malcantone Agno puis Sion en Challenge League, antichambre peu reluisante de l'élite, division «très dure à vivre quand tu aimes jouer au ballon».

«Tout est allé très vite ces derniers mois, mais j'ai dû travailler dur pour arriver là», insiste celui qui inscrivit le penalty décisif face aux Young Boys en finale de la dernière Coupe de Suisse. «Maintenant, je veux savourer tout ce qui se présente. En gardant les pieds sur terre.»

Ce mardi matin, Alberto Regazzoni quittera son domicile de Fully avec des rêves plein la tête. Et, comme il le confesse, «une certaine nervosité» chevillée au corps. Steve von Bergen, défenseur du FC Zurich et autre néophyte convoqué par Köbi Kuhn en vue du double test amical, viendra le cueillir en gare de Zurich. Tous deux rallieront Feusisberg, où la Nati s'entraînera dans l'après-midi, gonflés d'espoir.

«Si j'entre en jeu, même pour deux minutes, j'aurai la chair de poule», pronostique déjà Alberto Regazzoni. «L'équipe nationale, c'est ce qu'il peut arriver de plus beau et de plus important dans la carrière d'un footballeur.»